24 heures sur 24 bits

Publié le 15 Juillet 2007

Nous avons passé une partie du week-end chez Etienne, un pianiste qui s’était donné pour objectif d’improviser sans interruption pendant 24 heures. Récemment il avait déjà tenu ce défi pendant 12 heures mais je n’y avais pas participé.

Il s’agit bien de participer puisque la plupart des personnes présentes sont actives pendant toute cette représentation insolite dans la « villa musicale » qu’Etienne partage en coloc. Pour commencer, deux autres musiciens ont joué en continu dans les chambres : une violoniste et un percussionniste (au tabla). Andréine dansait dans le séjour. Aurore dessinait et peignait. Sonia préparait du crumble en faisant les yeux doux à Gabriel. Un petit chat s’emparait de tout ce qui bouge et Pépito le tenait à l’œil.

J’ai choisi d’enregistrer l’intégralité de la performance (« sur 24 bits »), de tourner un peu de vidéo et, le reste du temps, d’écrire ce qui me venait par la tête dans l’air du temps.

Etienne n’a tenu « que » 16 heures. L’énergie et la créativité de sa longue croisière en solitaire sont hallucinants chez ce très jeune musicien.

Je n’ai pas dormi et puisé du bonheur d’écrire chez Nancy Huston (Désirs et réalités) et Jean-Paul Sartre (Les mains sales). Quelques extraits de mes notes :
Fresques de solitudes éclairées, à demi possédées
par l’impérieux besoin de briser l’écorce insensible
du jour qui trépasse
L’accord a glissé, le centre a versé cul par-dessus tête
Enharmonie
Et toi, mon rêve, la peau sombre d’une brève
entrevue, ouverte à la brûlure de soleils qui dansent
s’agitent aux creux de nos ventres
Le cœur liquéfié
J’ai renoncé à comprendre
Nous avons eu le temps d’exister, chrysalides aux feuilles légères
L’accord a glissé, le centre s’est altéré
Inutile de fuir, le temps est en boucle
De nuit comme de jour
On n’en peut plus, on n’en veut plus
L’amour nous aura pris de court, profitons-en
Avant de boucler le jour

La cacophonie de silences entremêlés aura raison de nos pensées
Car l’obscurité s’est emparée du présent
Déjouant les rêves (inutiles)
Que nous avions tressés pour tromper l’ennui

Ils ont tiré un trait sur tout
ce qui aurait pu signaler
l’absurdité de leurs croyances
S’il vous plaît, ne les prenez pas en pitié !

C’est très personnel, vous savez
l’abolition du Raisonnable
l’évasion des Certitudes
Tsoin tsoin

À gauche une rivière
À droite un semis d’étoiles
Au centre la fissure de votre absence

Une blanche perdue
Sur un chemin de triples croches
Une noire se pointe
(Soupirs)
Point d’orgue à l’horizon

Sous une pluie d’arpèges
La ronde des escargots

Aurore. Une lueur tendre s’infiltre
dans les intervalles chromatiques
de gammes fracturées, délirantes de bonheur.

Laisse-moi tomber
Quand auras-tu fini de tomber ?
Ma douce lumière

À l’antichambre du plaisir
J’ai trouvé sa gratitude
Comme un semis de coquelicots
Sur l’herbe mouillée

Et si vous m’aviez cru
Avant le lever du jour
Je vous faisais don d’une étoile

Rédigé par Bernard Bel

Publié dans #ECRITURE

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