Lost in translation

Publié le 1 Septembre 2005

FilmNous avons regardé « Lost in translation », un film plein de finesse et de sensibilité sur l’amitié-l’amour, interprété par Bill Murray et Scarlett Johansson — oui, celle de « La jeune fille à la perle » dans un tout autre rôle…

Aujourd’hui, visite d’un chercheur japonais qui vit dans le centre de Tokyo. Spécialiste des langues, il n’est visiblement pas « perdu en traduction » ; il peut même déguster une salade « provençale » et choisir le parfum de sa glace au dessert. Mais je me souviens de mon récent séjour à Nara : l’éblouissement initial (très bien illustré par les acteurs) puis l’isolement des soirées solitaires qui me faisait écrire :
Temple
Le Japon me paraît une culture du vide et de l’absence. Image emblématique : un piano qui joue toute la soirée dans un bar-restaurant près de l’hôtel, mais pas de pianiste. C’est un disklavier Yamaha qui joue en boucle des performances enregistrées. Je regarde avec anxiété les touches et les pédales s’enfoncer. Culture « karaoke ». « Kara » veut dire « vide », et « oke » est la translitération du mot « orchestre ». Ce monde est devenu un immense orchestre vide qui joue des mélodies écrites par d’autres. Il « produit » — le meilleur et le pire — mais le créateur et l’interprète en sont toujours absents.

Train
Dans le train de nuit à Osaka, la moitié des passagers dorment la bouche ouverte, hébétés comme des morts, pendant que d’autres pianotent un téléphone portable dernier cri. Dans le wagon silencieux — espace vaporeux que les contrôleurs impassibles saluent en entrant et en sortant — cet échange d’images et de textos tient lieu de communication. Seul l’emballage compte, comme l’écrivait Michaud dans « Un barbare en Asie ».
Hotel

 

J’ai un peu hâte de retrouver la promiscuité, la foule, les odeurs de sueur, de merde et de kérosène qui relient les hommes. Je piaffe d’impatience depuis qu’on m’a promis la Chine. « A Beijing, au moins, on mange bien ! » me lance un Chinois rencontré dans un restaurant, qui ne sait pas lire la carte et a commandé au hasard pour ne pas perdre la face… Je comprends son exaspération, même si le petit-déjeûner du Mitsui Garden est un grand moment d’extase : buffet de poissons, crustacés, légumes en salade ou à la vapeur, dont de délicieuses racines de lotus, soupe aux algues décorée de citronnelle verte, prunes vinaigrées…
ArbreJe suis bien lost in translation, mais le scénariste n’a pas prévu de partenaire pour apaiser mon impatience.

Muet d’admiration devant les cerisiers en fleurs, j’ai écrit à une amie :
Le printemps est encore plus beau dans mon cœur quand les fleurs se mêlent d’être encore plus belles.

Rédigé par Bernard Bel

Publié dans #VOYAGES

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article